Justice de proximité,quelle réalité dans la province de l’Ituri? (Donatien Kanyi Nzia)

Donatien Kanyi Nzia, prétendant candidat gouverneur de province après le régime spécial de l’état de siège a, dans un échange le samedi 23 mars 2024 à lavoixdelituri.com démontré que la justice de proximité est l’un des facteurs clés de la consolidation de la paix.

Si tel est le cas, qu’en est-il en pratique? S’interoge ce cadre du parti politique Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS/Tshisekedi).

Pour lui, le chemin de la consolidation de la paix en Ituri intègre la voie judiciaire dont, au 1er plan, la justice de proximité.

« Dans le cadre de la grande réforme structurelle de l’administration de la justice en RDC, le tribunal de paix, institué depuis 1968, a commencé de fonctionner effectivement au 1er mandat de la 3ème République.En tant que 1ère instance judiciaire du droit écrit la plus proche des justiciables, le tribunal de paix était sensé promouvoir la justice de proximité en apportant des correctifs substantiels aux imperfections des tribunaux coutumiers » indique t-il.

Par ailleurs, cet ancien administrateur du territoire et, à ce titre, ancien président du tribunal principal d’Aru, a posé un diagnostic et dégagé les avantages et les inconvénients du tribunaux de paix par rapport aux tribunaux coutumiers comme suit:

« Dans le fait, les tribunaux de paix ont l’avantage d’avoir un personnel qualifié, à savoir des magistrats professionnels, en lieu et place des juges des tribunaux coutumiers qui n’avaient généralement pas un bon niveau d’étude.Cependant, mis à part cet avantage, les tribunaux de paix n’ont jamais résolu la problématique de la justice de proximité. Ils n’ont pas non plus égalé les tribunaux coutumiers en terme de rendement.Les tribunaux de paix n’ont pas capitalisé les avantages des tribunaux coutumiers dans l’administration de la justice » a t-il dit.

A l’en croire, avant l’avènement des tribunaux de paix, chaque territoire comptait plusieurs dizaines de tribunaux coutumiers opérationnels et efficaces. Ainsi, il y avait un tribunal principal au territoire, un tribunal principal dans chaque chefferie et chaque secteur. Aussi, dans chaque groupement il y avait un tribunal secondaire. Avec leurs juges assesseurs, juges secondaires et leurs greffiers, l’administrateur de territoire, les chefs des chefferies, de secteurs et de groupements étaient en même de régler localement et rapidement de nombreux litiges qui opposaient leurs sujets respectifs.

Et de poursuivre :

« Actuellement, tous ces tribunaux coutumiers sont supprimés.Dans chaque territoire, à plus du tribunal principal basé au chef lieu du territoire, il y avait autant de tribunaux principaux qu’il y a de chefferies et secteurs, et autant de tribunaux secondaires qu’il y a de groupements. Dans la pratique, chacun de ces tribunaux tenaient deux à trois audiences par semaine.C’était donc toute une grande machine judiciaire en marche.Mais Hélas! Aujourd’hui, les tâches de tous ces tribunaux coutumiers sont confiées à un seul tribunal de paix par territoire » poursuit-il.

La supression des tribunaux coutumiers a causé de dommage dans l’adminstration de justice à la base, renchérit ce député national honoraire.

« Par conséquent, les avantages de la proximité, rapidité de traitement et de jugement, sont perdus. À plus, les frais de justice et les amendes exigés par les tribunaux de paix de même que par les OPJ de la Police Nationale Congolaise sont exagérément supérieurs à ceux demandés jadis par les tribunaux coutumiers.La corruption, l’une des caractéristiques de tribunaux de paix, s’ajoute aux difficultés de langues, sans oublier la grande distance qui sépare la plupart des justiciables du siège de tribunal de paix, la perte de l’économie de subsistance pour payer les gros frais de justices, la grande lenteur dans le traitement des dossiers, la non maitrise des coutumes, le formalisme prejudiciable de droit écrit notamment à matière de procédure et de la preuve, l’excès et abus de pouvoir de magistrats, le manque de suivi et d’exécution des nombreux jugements…voilà au tant d’inconvénients qu’endurent aujourd’hui les justiciables congolais en général et à particulier ceux de l’Ituri depuis l’avènement de tribunal de paix. Finalement, l’unique avantage du tribunal de paix, à savoir la qualification de son personnel, ne représente plus rien par rapport aux multiples inconvénients y relatifs. Au bout de compte, le secteur judiciaire est devenu un véritable chemin de calvaire pour la population si bien que beaucoup choisissent de se rendre justice ou recourir aux mysticisme pour se régler de comptes avec toutes les conséquences » a t-il renchérit.

En outres, souligne-t-il avec insistance: «la réattribution aux tribunaux de paix des compétences jadis exercées par les tribunaux coutumiers a affaibli drastiquement l’autorité de l’Etat dans les chefferies, secteurs et groupements».

Eu égard à ce qui précède, Donatien Kanyi Nzia, demande aux parlementaires congolais et ituriens en particulier de se pencher sur la question liée à la réforme judiciaire.

« Dans une province comme l’Ituri, cet état de lieu de la justice de proximité constitue un grand problème à la fois pour la consolidation de la paix et pour le renforcement de l’autorité de l’Etat dans la petite territoriale. La primauté actuelle de la justice militaire dans le cadre de l’état de siège ne rencontre pas, non plus, la préoccupation relative à la justice de proximité en Ituri. C’est pourquoi, nous demandons aux parlementaires congolais en général et à ceux de l’ituri à particulier, de se pencher sur la question et envisager des modifications des certaines dispositions dans l’arsenal juridique du secteur judiciaire.Le but d’une telle démarche législative consiste à rendre la justice plus proche de la base, plus souple, plus rapide, avec un coût supportable, moins corrompue , etc.. » exhorte t-il

Pour y arriver il propose deux alternatives probables suivantes:

«1. Renforcer les tribunaux de paix au point d’en installer un par chefferie et secteur afin de les rapprocher de milieux de vie des justiciables; renforcer leurs frais de fonctionnement pour baisser et décharger les justiciables des exorbitants frais de justice; renforcer le régime disciplinaire dans la loi portant statut des magistrats afin de combattre les abus et la corruption endémiques au sein des tribunaux de paix; etc.

NB:Tout ceci exige de l’Etat un gros budget et risque de prendre plusieurs décennies avant de se réaliser, souligne-t-il.

  1. Restaurer les tribunaux coutumiers dans leurs compétences judiciaires d’autrefois tout en améliorant notamment leur personnel en terme de niveaux d’étude et d’expériences …. »

Par ailleurs, il importe de préconiser au niveau national et provincial un mécanisme rigoureux de suivi du fonctionnement des appareils judiciaires et leurs impact sur le rétablissement de la paix et la consolidation de l’autorité de l’Etat au niveau de la base, conclut-il.

Patrick Etsea

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